jeudi 8 février 2018

Faut-il avoir peur des migrants ?



            L’opposition entre nomades et sédentaires est l’un des déterminants majeurs de l’histoire de l’Homo sapiens. Après 300 000 ans de micro-sociétés nomades, 10 000 ans de macro-sociétés sédentaires, assiste-t-on en direct live au retour d’un conflit ancestral ? La peur du nomade semblait définitivement appartenir au passé, resurgissant aujourd’hui sous la forme du « migrant », elle met en tension la morale de l’hospitalité, la responsabilité politique, les calculs économiques, et une xénophobie rampante exacerbée par la peur du terrorisme.
Pour y voir plus clair, il faut d’abord évacuer les connotations cachées sous le vocable « migrant ». Dans les discours publics, son association avec « flux », « vague », « points de fixation », « appel d’air », l’inscrit dans le registre du cataclysme naturel ou de la migration animale, gommant toute référence à une histoire individuelle, une trajectoire singulière, et légitimant un indigne « protocole de la bavure* ». Le terme « exilé » est bien plus juste, il combine la dimension dramatique de l’exil forcé, à celui, héroïque, de l’exil volontaire. Ainsi l’exilé est à la fois une victime et un héros, si l’on songe au courage, aux ressources psychiques et matérielles qu’il a dû mobiliser pour mener à bien son projet.
Voici les deux figures de l’homo mobilis moderne : le voyageur et l’exilé, et leurs faces sombres : le touriste et le clandestin. Ce qui distingue les deux au premier contrôle : l’un a un passeport, l’autre est sans papiers. L’un est-il un bienfait l’autre un fléau ? A y regarder de plus près, Les vagues de touristes en low cost contribuent largement à la destruction de la planète, alors que les exilés apportent leur courage et leur intelligence au service de la société qui les accueille.


Selon Victor Hugo « L’exil, c’est la nudité du droit. ». Veut-il dire que l’exil ramène le droit positif à des droits plus fondamentaux ? Le droit de se déplacer sur la terre, le droit de fuir des conditions d’existence indignes, et le droit pour une communauté politique de se donner des frontières. Il faudra nécessairement réduire les vagues touristiques, et apprendre à vivre avec les exilés, qu’ils soient réfugiés politiques, climatiques ou économiques. La misère est-elle un motif moins légitime pour l’exil que la persécution politique ? Alors il faudra vaincre nos peurs largement fantasmatiques, et concilier les droits fondamentaux sous la forme d’une politique de l’hospitalité réglée par le droit. Que l’on soit voyageur ou exilé, tout être humain devrait pouvoir demander un visa pour traverser les frontières, avec un billet d’avion aller-retour, et une durée déterminée de séjour. Ces visas devraient être payants, à un prix inférieur - avec le billet d’avion - à ceux que pratiquent les mafias des passeurs, prix que l’on évalue à plusieurs milliers d’euros ! Ces visas serviront donc à lutter contre le trafic d’êtres humains, mais aussi à réguler et limiter les vagues touristiques.
Le voyage est un exil vers l’autre, l’exil est un voyage vers soi.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire