L’opposition entre nomades et
sédentaires est l’un des déterminants majeurs de l’histoire de l’Homo sapiens. Après
300 000 ans de micro-sociétés nomades, 10 000 ans de macro-sociétés
sédentaires, assiste-t-on en direct live au retour d’un conflit
ancestral ? La peur du nomade semblait définitivement appartenir au passé,
resurgissant aujourd’hui sous la forme du « migrant », elle met en
tension la morale de l’hospitalité, la responsabilité politique, les calculs
économiques, et une xénophobie rampante exacerbée par la peur du terrorisme.
Pour
y voir plus clair, il faut d’abord évacuer les connotations cachées sous le
vocable « migrant ». Dans les discours publics, son association avec
« flux », « vague », « points de fixation »,
« appel d’air », l’inscrit dans le registre du cataclysme naturel ou
de la migration animale, gommant toute référence à une histoire individuelle,
une trajectoire singulière, et légitimant un indigne « protocole de la bavure* ». Le terme
« exilé » est bien plus juste, il combine la dimension dramatique de
l’exil forcé, à celui, héroïque, de l’exil volontaire. Ainsi l’exilé est à la
fois une victime et un héros, si l’on songe au courage, aux ressources
psychiques et matérielles qu’il a dû mobiliser pour mener à bien son projet.
Voici
les deux figures de l’homo mobilis
moderne : le voyageur et l’exilé, et leurs faces sombres : le
touriste et le clandestin. Ce qui distingue les deux au premier contrôle :
l’un a un passeport, l’autre est sans papiers. L’un est-il un bienfait l’autre
un fléau ? A y regarder de plus près, Les vagues de touristes en low cost
contribuent largement à la destruction de la planète, alors que les exilés
apportent leur courage et leur intelligence au service de la société qui les
accueille.
Selon
Victor Hugo « L’exil, c’est la nudité
du droit. ». Veut-il dire que l’exil ramène le droit positif à des droits
plus fondamentaux ? Le droit de se déplacer sur la terre, le droit de fuir
des conditions d’existence indignes, et le droit pour une communauté politique
de se donner des frontières. Il faudra nécessairement réduire les vagues
touristiques, et apprendre à vivre avec les exilés, qu’ils soient réfugiés politiques,
climatiques ou économiques. La misère est-elle un motif moins légitime pour
l’exil que la persécution politique ? Alors il faudra vaincre nos peurs
largement fantasmatiques, et concilier les droits fondamentaux sous la forme
d’une politique de l’hospitalité réglée par le droit. Que l’on soit voyageur ou
exilé, tout être humain devrait pouvoir demander un visa pour traverser les
frontières, avec un billet d’avion aller-retour, et une durée déterminée de
séjour. Ces visas devraient être payants, à un prix inférieur - avec le billet
d’avion - à ceux que pratiquent les mafias des passeurs, prix que l’on évalue à
plusieurs milliers d’euros ! Ces visas serviront donc à lutter contre le
trafic d’êtres humains, mais aussi à réguler et limiter les vagues
touristiques.
Le voyage est un exil
vers l’autre, l’exil est un voyage vers soi.
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