En
réaction au #BalanceTonPorc, une tribune du Monde cosignée par 100 femmes
intitulée « Nous défendons une
liberté d’importuner, indispensable à la liberté sexuelle. » a
déclenché une vague d’indignation. Au milieu des invectives et des procès
d’intention – on a même parlé d’apologie des violences sexuelles – un point
positif : une ébullition de pensée sur des thèmes essentiels comme la
domination masculine et les rapports de désir. Parmi les questions posées,
celle consistant à savoir si, entre importuner
et agresser, il y a une différence de
degré ou de nature. Y a-t-il commune mesure entre un jeu de séduction, une
drague un peu lourde, un geste ou une parole déplacée, une agression
sexuelle ? Y aurait-il alors un continuum du simple clin d’œil jusqu’au
viol ? A l’évidence non, mais où se situe exactement le point de
rupture ? Faut-il jeter dans le même sac le « porc-étalon »
Weintein, et le « porc zéro », celui « balancé » par la
journaliste à l’origine de #BalanceTonPorc ? D’un côté un véritable
prédateur sexuel, de l’autre un mec bourré qui exprime très vulgairement son
désir par des mots crus. Une évidence semble s’imposer : le point de
rupture de continuité entre importuner
et agresser est intrinsèquement
subjectif. Telle personne se sentira légèrement agacée par un geste déplacé,
telle autre en sera profondément affectée. Ainsi l’idée d’un droit d’importuner me semble passer à
côté de l’essentiel.
D’une
part c’est la subjectivité de chacun(e) qui seule peut fixer le seuil critique
où l’on passe d’un geste déplacé à une agression. La liberté à défendre n’est
donc pas celle d’importuner, mais
celle d’initier un jeu de séduction qui se joue à deux, et implique un
feed-back réciproque permanent : « Stop » ou
« Encore ».
D’autre
part, si la domination masculine est un fait brut et massif contre lequel il
faut lutter inlassablement, tous ensemble, femmes et hommes, on ne réussira
jamais – et tant mieux - à normaliser, réguler, aseptiser les rapports de
désir, car ils impliquent irrémédiablement une part obscure, sauvage,
bordélique. Le droit à défendre n’est donc pas celui d’importuner, c’est celui de prendre le « risque d’importuner »
dans une relation de désir symétrique. Il faut peut-être « balancer les
porcs », mais aussi libérer les cochons et les truies joyeuses !
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