jeudi 4 mai 2017

Ne pas choisir, qu'est-ce choisir ?



La conjonction « ou » désigne une alternative entre deux possibilités. Ainsi on peut faire une analyse logique de celle qui occupe tous les esprits en ce moment : « Le Pen ou Macron » (L. ou M.), soit sa version négative « ni.., ni… » (ni, ni). Logiquement cette alternative est une disjonction exclusive car il n’y a pas d’échappatoire, dimanche soir nous aurons L. ou nous aurons M. comme nouveau monarque républicain. « L. ou M. » s’apparente ainsi à « Être ou ne pas être », il n’y a pas d’autre issue.
Cependant c’est une tout autre alternative qui se joue dans l’esprit de chaque citoyen : « voter pour l’une ou pour l’autre », ou plutôt, pour près de 80% des électeurs, « voter contre l’une ou voter contre l’autre,… ou ne voter contre aucun des deux ». En effet, la 5ème République a ancré dans les esprits qu’au premier tour de l’élection du monarque républicain, le citoyen-sujet vote par conviction, « pour », alors qu’au second tour il vote par opposition, « contre ». Cependant le vote « contre » ayant progressivement phagocyté le premier tour sous la forme du « vote utile », il est subrepticement devenu le mode normal du vote. En cela notre système représentatif est à la démocratie ce qu’un jeu de téléréalité est vis-à-vis d’un concours au mérite (cf Conversation 119 Elections pièges à cons).
L’abstention est souvent décrite comme une posture ambiguë, or le choix « ni, ni » au deuxième tour de cette élection-ci signifie clairement le même rejet de L et de M, non pas qu’ils soient deux versions du même (bonnet blanc et blanc bonnet) comme c’était le cas pour le choix PS vs LR (le social-libéralisme vs le libéralisme social), mais plutôt deux « nuisances » équivalentes. Qu’en est-il ? Pour y voir clair, il faut mettre de côté les personnes et les programmes pour aller au fond idéologique de l’alternative. D’un côté le libéralisme social continue avec sans doute plus de précarité et de difficultés pour « ceux d’en bas », de l’autre le nationalisme s’installe avec son fond historique de xénophobie, de racisme et d’antisémitisme. Ces deux nuisances seraient-elles équivalentes ? Mme Le Pen aurait donc parfaitement réussi son entreprise de « dédiabolisation » du FN, devenu un parti comme les autres, en tout cas pas pire que les autres ? Je propose à ceux qui hésitent encore pour l’option du « ni ni », de faire le test suivant : dites à vous-mêmes et à vos proches « La xénophobie, le racisme et l’antisémitisme ne sont pas pires que le néo-libéralisme, la finance débridée et l’ubérisation ». Si vous n’avez aucun problème pour le dire, abstenez-vous, vous êtes cohérents avec vous-mêmes.

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