mercredi 9 novembre 2016

Comment voter en régime de dés-élection ?



            Nous sommes dorénavant dans l’ère de la « dés-élection », celle où le vote « contre » supplante peu à peu le vote « pour », celui qui était motivé autrefois par la loyauté à un camp, un parti, un homme. On n’élit plus un candidat, on dés-élit ses adversaires. Le système électoral mime ainsi de plus en plus ces jeux où les spectateurs doivent éliminer des candidats. Ainsi Trump a été élu moins par des votes « pour », que par des votes-sanction « contre » la candidate de l’establishment, Hillary Clinton. L’élection était fondée sur un projet, l’idée d’un avenir commun, la « désélection » est surtout conditionnée par la sanction d’un passé - promesses non tenues, « affaires », … -, ou le rejet d’un présent, réel ou fantasmé, – immigration incontrôlée, insécurité croissante, élites corrompues…
La dés-élection joue aussi à un autre niveau. En effet chaque élection est en même temps qu’un vote pour / contre un candidat, un vote pour l’institution-même du vote, or une part croissante des électeurs rejette le système en lui-même, en faisant défection (non-inscription sur les listes électorales, votes blancs ou nuls). Ainsi la défiance vis-à-vis du système politique a atteint un point tel qu’on pourrait se demander comment il tient encore debout. Mais contrairement au premier niveau de dés-élection, le second ne débouche pas sur un choix, aussi le système perdure malgré la généralisation progressive de la défiance, la désillusion et la défection. Il y a bien des candidats qui se prétendent « anti-système », mais leur position n’est guère tenable car elle consiste au fond à scier la branche sur laquelle ils sont assis : comment pourraient-ils mettre à bas un système qui leur permet d’exister, occuper une place dans l’espace politico-médiatique, toucher des subventions, capter des postes de pouvoir. Exemple tout frais : Trump, aussitôt élu, jouant le président « normal », en abandonnant immédiatement la posture subversive anti-système qui avait permis son élection.
Alors comment voter dans un tel régime ?
D’abord il faut réaliser que la dés-élection ne caractérise pas la démocratie mais une post-démocratie, dont elle constitue une dérive, un déclin, une perversion. Qu’y-a-t-il au terme de ce processus ? Au fond, il n’y a guère que deux scénarii envisageables : un régime autoritaire contre-démocratique, ou une régénération de la démocratie. Les amis de la liberté voteront pour empêcher le premier d’advenir, et agiront pour initier la seconde. Quant à moi, en dehors du cas d’urgence, je ne donnerai ma voix qu’à un candidat qui s’engagera, aussitôt élu, à réunir une assemblée constituante indépendante de la classe politique en place, dont les débats seront médiatisés, relayés localement, et déboucheront sur un référendum. En l’absence d’un tel projet, je m’abstiendrai, et je continuerai à m’employer modestement à faire en sorte que nous soyons le plus nombreux possible à penser le plus possible, pour attiser la flamme démocratique, qui n’est pas le vote, mais la délibération.