Nul doute que la question de l’identité nationale va
contaminer les débats des mois à venir. En voici une version : Avons-nous
besoin de la fiction d’une origine commune ? Le mot « nation » repose
en grande partie sur ce mythe qui semble nécessaire pour faire d’un ensemble
hétérogène d’individus un corps politique unifié : le peuple. Mais ce
mythe est aussi un poison car il contient en germe l’idée toxique que les français
constituent une ethnie avant d’être un corps politique. Le « gaulois »,
c’est le « français de souche » pour les nationalistes… mais aussi le
« blanc, face de craie » pour les enfants d’immigrés des quartiers « populaires ».
Il apparaît donc que gaulois est un terme qui sert à la fois à unifier et à discriminer.
Alors faut-il continuer à enseigner dans les écoles le catéchisme républicain « nos
ancêtres les Gaulois » ? Je pense que oui, à condition d’expliquer
dans le même temps deux choses essentielles :
- Être
français n’est pas une question d’ethnie, c’est l’inscription dans une Histoire
collective qui se superpose aux histoires familiales des individus. Ainsi d’une
part notre identité est multiple, d’autre part le « Nous » n’est pas simplement
l’addition de tous les « je » ;
- L’identité
est un terme totalement ambivalent puisqu’il renvoie à ce qui permet de m’identifier
en me distinguant des autres, mais aussi à ce qui me rend identique aux autres.
Si être français est une question d’ancêtres, la France est au fond une nation
comme n’importe quelle autre. Ce qui la distingue en fait c’est une culture,
une langue et un héritage singulier, celui des Lumières : une vocation à l’universel.
Enfin, s’il faut unifier le corps composite, pluriel et
hétérogène du peuple français, le mythe de l’origine commune est toxique s’il n’est
pas immédiatement complété par l’affirmation d’une communauté de destin.