La réforme du
droit du travail est une nouvelle occasion de voir la « gauche »
faire une réforme que la droite n’a pas osé faire. Plus de flexibilité, moins
de « rigidité », soit en clair plus d’exploitation et moins de protections,
sacrifiées sur l’autel de la croissance et de l’emploi. Cette réforme provoque
justement un mouvement d’interrogation sur la légitimité et sur l’efficacité de
ce sacrifie, surtout quand il est opéré par un gouvernement qui se prétend de « gauche ».
Mais il y aurait aussi une occasion de s’arrêter un instant sur la centralité
du travail dans notre vie. Travailler, à quoi est-ce utile ?
Il y a bien sûr l’utilité économique,
celle qui crée de la plus-value, des bénéfices, des dividendes, mais aussi les
salaires et la consommation.
Il y a l’utilité sociale et
environnementale, celle qui renforce les liens entre les individus, préserve
nos biens communs, développe l’autonomie locale.
Il y a enfin l’utilité pour soi, celle
qui répond à nos besoins primaires et celle qui nous humanise : l’expression
de soi, la connaissance, l’amitié, l’amour, la politique,…
Le travail c’est l’effort en vue de l’utilité,
dans ces trois sens.
Les trois
utilités se recouvrent mais l’utilité économique, en régime capitaliste, est
devenue une sphère autonome, faisant de l’économique le critère exclusif de l’utilité,
ou d’un autre point de vue, la réduction de toutes les valeurs à une seule :
le prix. La sphère économique a aussi réduit le travail à l’emploi, et l’emploi
au salariat, c’est en ce sens qu’on parle d’un code du travail. Le capitalisme fait donc oublier cette évidence : l’utilité
économique n’est qu’un moyen en vue des deux autres utilités réellement humanisantes.
Si l’on considère la misère comme l’inutilité à soi et aux autres, on peut dire
que le régime capitaliste produit deux misères symétriques : celle d’être
exploité, et celle de ne pas l’être. La première met les travailleurs au
service exclusif de l’utilité économique, la seconde fait du chômeur un « inutile ».
De
ce point de vue, nous vivons sous un régime du travail où la misère d’être
exploité n’est rien en comparaison à celle de ne pas être exploité ! Quel
code du travail changera ce triste constat ?
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