Les concepts n’existent pas hors-sol dans le Ciel des
Idées, ils sont historiques, leur sens est modifié par le cours de l’histoire. Ainsi,
le vocable « communiste » n’a pas le même sens au moment où est
publié le Manifeste du parti communiste en 1848, en 1870, en1917, en 1956 ou en
1968. De même l’émergence de l’islamo-fascisme - c’est bien ainsi qu’il convient
de le nommer – met à l’épreuve le concept d’islamophobie.
Il est hors de
doute que les islamo-fascistes de Daesh, Aqmi ou Al Qaida sont racistes :
les « mécréants » sont pour eux ce qu’étaient les juifs ou les
tsiganes pour les nazis, des rebuts de l’humanité à exterminer. Ainsi tout
musulman se trouve selon moi dans la situation d’un allemand à l’époque
hitlérienne, ou d’un communiste à l’époque stalinienne ; il devrait se
sentir contraint moralement à mettre en question son appartenance à une
communauté au nom de laquelle des atrocités sont commises. Un allemand en 1940
ou un communiste en 1956, ayant un tant soit peu de sens moral, ne pouvait que
se sentir honteux. La honte est un sentiment qui devrait amener celui qui le ressent
à se questionner : Qu’ai-je fait pour empêcher ça ? Que puis-je faire
pour que cela cesse ? La honte ne va pas non plus sans humilité : je
ne peux plus arborer comme un drapeau mon appartenance à un groupe qui suscite
légitimement la méfiance, la crainte, voire l’hostilité.
Combien de
musulmans ont abjuré leur appartenance religieuse ? Combien y a-t-il eu de
fatwas contre Daesh ? Combien de musulmans ont manifesté publiquement leur
révolte contre l’islamo-fascisme ? Combien sont partis en Syrie rejoindre
les opposants contre Daesh ? Combien ont cessé de porter la barbe ou le
voile ? Bien trop peu, me semble-t-il, au regard du milliard et demi de
musulmans sur la terre. L’Islam m’apparaît donc comme une idéologie qui
affaiblit le sens moral. Suis-je pour autant islamophobe ?
L’islamophobie est
un concept ambigu : littéralement, la phobie de l’Islam est une angoisse
ou une aversion irraisonnée voire pathologique face à toute manifestation d’appartenance
à l’Islam, elle relève de la psychologie, alors que l’islamophobie au sens
usuel relève d’une catégorie morale et politique : le racisme. Une
nouvelle signification de l’islamophobie émerge aujourd’hui par la force du
cours de l’histoire : ni phobie pathologique, ni haine raciste, juste la
honte, le sentiment empathique d’avoir honte pour l’autre. Or avoir honte pour
quelqu’un c’est le reconnaître comme une personne morale à part entière. Par
ailleurs le respect est dû aux individus, nullement aux idéologies. Alors, en
ce sens, et en ce sens seulement, je suis à la fois islamophobe et antiraciste.