La
commémoration de la libération des camps nous rappelle que nous devrons sans
doute un jour faire preuve d'esprit de transgression de la loi au nom de la
justice. Sommes-nous prêts ? Rien n'est moins sûr.
Nous passons
la majeure partie de notre vie au sein d'institutions qui sont, pour la
plupart, des "structures de pouvoir" au sens où elles présentent des
caractéristiques hiérarchiques et autoritaires : la famille, l'école,
l'usine, le bureau, l'entreprise,... En
sapant insidieusement, jour après jour, les capacités de créativité et
d'autonomie des individus, elles concourent à une fabrique institutionnelle de
l'obéissance, du consentement et de l'impuissance. En réduisant la politique au
champ clos de l'affrontement entre leaders de parti, notre
"démocratie" participe pleinement à cette production massive de la
résignation.
Nous savons
tous courir, mais si nous ne courons jamais, notre corps rechignera à cet
effort complètement inhabituel le jour où il en ira de notre vie. De même, nous
avons tous une capacité de désobéissance, mais le jour où il faudra désobéir au
nom de la justice, nous serons comme ankylosés par une vie de soumission à
l'autorité, à la norme standard, aux règlements imbéciles ou à l'inanité de la
loi. Face à ce constat, l'anthropologue états-unien James C. Scott propose une
hygiène de la désobéissance, qu'il appelle "callisténie
anarchiste", définie en ces termes :
"Chaque jour, si possible, enfreignez une loi ou
un règlement mineur qui n'a aucun sens, ne serait-ce qu'en traversant la rue
hors du passage piéton. Servez-vous de votre tête pour juger si une loi est
juste ou raisonnable. De cette façon, vous resterez en forme ; et quand le
grand jour viendra, vous serez prêts."
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