mercredi 25 février 2015

Qui est juif ?



Être juif ou ne pas l’être ? Question d’actualité, de vie ou de mort parfois, question de culture, de religion, de nationalité, de race… ?
Je n’ai pas été élevé dans la culture juive, ni dans la foi judaïque, je ne suis pas citoyen d’Israël, pourtant des nazis ou des islamistes n’hésiteraient pas une seconde sur l’objectivité indubitable de ma judéité : ma mère est juive, et mon père aussi en plus ! Bang, une balle dans la nuque, ou un égorgement au couteau de boucher !
« Juif » serait-ce donc une « race » ? L’idée seule donne la nausée.
Disons alors qu’être juif c’est s’inscrire dans la généalogie d’un peuple. Autrement dit, mes ancêtres étant juifs, je suis juif. Mais ce trait distinctif dit-il quelque chose sur ma personnalité, mes goûts, mes orientations politiques ou philosophiques ? Je prétends que non. Alors puis-je abandonner aux autres, et particulièrement aux méchants, le pouvoir de me nommer, me qualifier, me définir ? Assurément non ! L’alternative se formulerait  alors ainsi :
-       Soit je nie être juif, refusant de me laisser enfermer dans une identité instrumentalisée par d’autres ;
-       Soit j’assume cette identification par solidarité avec ceux qu’on assassine encore et toujours ;
-       Soit j’essaie de lui donner un sens positif face à la pure négativité des antisémites.
La première option s’apparente à une désertion face à l’ennemi. La seconde est impersonnelle : nous sommes tous juifs… grâce à Merah, Kouachi, Coulibaly et autres danois. La troisième renvoie à l’éternelle question : que signifie le nom « juif » ?
Le nom d’une continuation inlassable de l’étude pharisienne du texte, et donc du questionnement intellectuel.
Le nom de celui qui prend, partout où il est, le pouls de l’humanité de ses compatriotes ;
Le nom du survivant qui vit malgré la disparition de tant des siens au läger ;
Le nom qui exige de celui qui le porte, la solidarité avec tous les déracinés de la terre.
Alors oui, je suis juif !

jeudi 12 février 2015

Y a-t-il un "problème" de l'Islam ?



Quand l’imbécile montre la lune, le sage peut à bon droit regarder le doigt. En l’occurrence, concernant le « problème » de l'Islam, je m’interroge sur l’omniprésence du mot « problème » dans le débat public. Je prétends que l’escamotage du couple question / réponse au profit du couple problème / solution, est loin d’être un point trivial.
- L'expression « problème de l'Islam » est performative, c'est-à-dire qu'elle fait exister ce qu'elle nomme... par le seul fait de le nommer. Ainsi elle a une force rhétorique considérable, disqualifiant immédiatement ceux qui oseraient contester l'existence du dit « problème ».
- Cette expression a en outre un effet mobilisateur autrement plus puissant que celui d’une question, quelle qu’en soit la formulation, car elle combine indissociablement une dimension factuelle (« Il y a un problème ») avec une dimension émotionnelle (« J’ai un problème ») qui lui confère une énergie autrement plus grande qu’une question qui suppose toujours distance, analyse, réflexion, débat…
- L’expression « le problème des / du… » (au choix : des immigrés, des étrangers, des jeunes des quartiers,…) exerce une force attractive sur l’esprit car elle englobe un phénomène et sa cause. Ainsi parler du « problème de l’Islam » c’est dire que les musulmans « posent problème »… en tant qu’ils sont musulmans justement.
- Par ailleurs la notion de « problème » suppose qu’il y a des « solutions », et parmi elles, certaines provisoires, d’autres définitives - voire « finales ». Ces dernières sont les seules à « régler » le problème, les premières n’étant au mieux que des pis-aller. Parler du « problème des… », c’est signifier implicitement ce qui pourrait valoir comme solution définitive.
- Enfin si la société est le lieu des problèmes, l’Etat est celui des solutions ; le problème est donc l’affaire des intellectuels, des experts, alors que la question vaut pour tous les citoyens. Le problème est technocratique, la question est démocratique.

Alors le véritable « problème » de l’Islam consiste à savoir à quelles questions il renvoie. Parmi toutes les questions plus ou moins pertinentes qui viennent à l’esprit, il en est deux qui me paraissent mériter qu’on s’y arrête :
-       Comment palier au vide de sens du « commun », face au trop plein de sens du « communautaire » ?
-       Peut-on oser un rapprochement entre l’usage du nom « musulman » aujourd’hui, et le nom « juif » hier ?