vendredi 27 novembre 2015

Sommes-nous responsables de ce qui nous arrive ?



Un proverbe portugais dit ceci : «  Nos malheurs entrent toujours par une porte que nous ouvrons. ». Ainsi le bon sens populaire accrédite l’idée que nous aurions toujours une part de responsabilité dans ce qui nous arrive. La responsabilité est une notion bifide, elle consiste à assumer les conséquences de nos actes, mais aussi à faire face aux exigences de l'évènement qui nous touche. La dichotomie stricte entre ce que nous faisons et ce qui nous arrive étant ainsi dissoute, la responsabilité apparaît comme la condition même de notre liberté, contre l’idée mortifère d’une nécessite écrasante ou d’un destin inéluctable dont nous ne serions que les jouets impuissants. La responsabilité est une avant tout notion morale, et non causale, il faut donc la distinguer radicalement de la culpabilité ou de l’imputabilité.
Les attentats du 13 novembre mettent cette idée abstraite à l'épreuve de la réalité. Qui fut visé ? Nous tous, nous le peuple français, sans distinction de race, de classe ou de religion. En quel sens serions-nous « responsables » de ce qui nous arrive ? Question a priori choquante, mais qui me semble à moi pleine de sens, car si nous sommes en démocratie, donnant tout son sens à ce terme, nous sommes en dernière instance les auteurs des politiques menées en notre nom. Or qui pourrait affirmer avec certitude que l’évènement qui nous « tombe dessus » n’a aucun lien avec les frappes aériennes en zone habitée, les meurtres ciblés, les "dommages collatéraux", le soutien et les ventes d'armes à des régimes corrompus ou anti-démocratiques, toutes ces politiques menées en notre nom ? Nous en sommes les auteurs, donc collectivement responsables, au premier sens de la responsabilité, qui n'évacue aucunement celle des fanatiques totalement et inexcusablement coupables d'un acte inhumain, contraire à toute morale, comme à toute religion digne de ce nom.
Notre responsabilité est également engagée en son deuxième sens, répondre aux exigences de l'évènement. En ce sens, il faut avoir conscience qu'au-delà du peuple français, c'est la démocratie qui est visée. Or les signes sont nombreux d'un effondrement démocratique, et de la résistible montée en puissance d'un régime autoritaire que près de 40% des français appelaient déjà de leurs vœux avant même la dernière vague d’attentats (cf. le lien). Notre responsabilité est donc doublement engagée, elle exige une régénération urgente de la démocratie, pour que nous soyons enfin pleinement et sans doute possible les auteurs des politiques menées en notre nom.

mercredi 11 novembre 2015

COP 21 : Qui fait partie du monde ?



La COP 21 va se réunir à la fin du mois à grands frais et à grand bruit, mais cet acronyme est rarement explicité, alors même que sa signification précise n'est pas anodine vu l'importance de l'enjeu. C.O.P. signifie "Conference Of the Parties", or le terme "parties" est ambigu. S'agit-il des parties prenantes du problème ? S'agit-il des partis dirigeants les 194 pays représentés (littéralement "parties" en anglais) ? Or ces deux sens s'opposent du tout au tout dans la mesure où ces "partis" représentent la frange la plus favorisée, c’est-à-dire celle qui est à la fois la moins menacée par le dérèglement climatique, et celle qui aurait le plus à perdre dans un changement radical des modes de production et de consommation, conditions a priori incontournables pour y faire face.
Par ailleurs, l'idée de "parties" renvoie logiquement à un tout, qui doit aussi être explicité. En effet la définition du "tout" dont les entités de la Conférence" seraient les "parties", n'est pas non plus un détail trivial. S'agit-il de la planète Terre, de la biosphère, de l'humanité,… ou, de façon plus réaliste, de l'ensemble des "parties" représentées à Paris, les gouvernements, les "partis" au pouvoir ?  Dans ce dernier cas, il est probable que le but réel de la COP sera de rassurer les actionnaires et les consommateurs, de façon à continuer autant que possible le "business as usual". Cette hypothèse se renforce si l'on considère la surreprésentation des lobbies, des grandes firmes, des industries de l'énergie, et la faible représentation des petits pays qui subissent déjà les effets du changement climatique (voir le lien ).
Pour qualifier le "tout" des "parties" prenantes, le terme "monde" conviendrait mieux plutôt que la Terre, la biosphère ou l'humanité : la Terre continuera à exister, et à tourner autour du soleil, changement climatique ou pas, l'humanité restreint abusivement l'ensemble des parties prenantes, de même que la biosphère. Il faudrait prendre le "monde", de façon maximaliste, comme l'ensemble des entités qui sont – ou seront affectés par le dérèglement climatique : les êtres humains bien sûr, et parmi eux, la masse écrasante des moins favorisés, dont celle croissante réfugiés climatiques - les moins représentés par les "partis"- , mais aussi les espèces animales sauvages, les animaux de l'industrie alimentaire, mais aussi les océans, les cours d'eau, les glaciers, les forêts, les terres, les végétaux,...
Qui portera la voix muette des parties prenantes : celle des terriens ?