Quand
on parle de l’Europe, parle-t-on du Parlement, du Conseil, de la Commission, de
la zone euro, de la technocratie bruxelloise ? Quand on parle des enjeux
de l’élection européenne, parle-t-on de culture, d’économie, d’harmonisation, de
gouvernance ? Ou encore des effets
de la politique de l’u.e. sur la vie des gens et des entreprises : le
chômage, la compétitivité, les subventions, les normes, les règlements... Bref,
l’Europe on ne sait pas trop ce que c’est, mais on sait ce que ce n’est certainement
pas : un peuple européen conscient de lui-même.
Pour
répondre à la question « Qu’est-ce que l’Europe ? », il faut
déterminer son noyau spécifique, ce qui la distingue radicalement des autres
continents. Pour ma part je ne vois qu’un seul critère distinctif : l’extrême
diversité des peuples et des nations qui la composent. En effet, nulle part
ailleurs, on ne trouve, concentré sur un territoire aussi exigu, une telle
diversité de pays, de cultures, de paysages, de langues, de modes de vie.
Paradoxalement, ce qui fait l’unicité de l’Europe et donc son unité, c’est sa
diversité ! Or l’idéal des Lumières, celui-là-même qui a inspiré ceux qui
ont porté l’Europe sur les fonts baptismaux, était de fonder un ordre purement
politique et juridique, et de réduire le peuple à un ensemble de citoyens égaux
car abstraits de toutes leurs déterminations particulières. Ainsi, l’Europe qui
a été le terreau des Lumières, est donc aussi, en elle-même, le principal obstacle
objectif à la réalisation de leur idéal émancipateur par abstraction des
différences. Aujourd’hui, la perspective de l’indifférenciation des citoyens
suscite dégoût et rejet, et l’on voit partout s’exprimer une passion de la
différenciation contre celle de l’égalité, vue comme une normalisation froidement
gestionnaire et administrative : différences hommes/femmes, couples
hétéro/couples homos, français de souche/immigrés, flamands/wallons,
pro-russes/pro-ukrainiens, bretons/poitevins, chrétiens/musulmans,…
La diffusion
de cette passion identitaire et différentialiste, porte en germe l’éclatement
de l’Europe,… Or on nous parle de politique agricole, de normes européennes,
d’harmonisation fiscale ! Voudrait-on exacerber le rejet de l’Europe, on
ne s’y prendrait pas autrement !