Clément Rosset affirme dans un petit bijou de philosophie
intitulé Le réel et son double qu’il
n’est « Rien de plus fragile que la faculté humaine d’admettre la réalité ».
Cette thèse se vérifie en moultes occurrences à l’échelle de l’individu, mais c’est
à celle des sociétés qu’elle devient absolument évidente. En effet, l’Histoire
confirme abondamment la capacité d’auto-aveuglement des hommes quant à ce qui
leur pend littéralement au nez. Mais jamais auparavant, le dédoublement cognitif
entre ce que nous savons et ce que nous croyons n’a été aussi abyssal : la
destruction de la nature à l’échelle planétaire, prophétie d’autant plus forte
qu’elle relève d’un savoir scientifique sur-documenté. Cette aveuglante
évidence reste en effet purement théorique, puisque nous nous révélons
collectivement incapables d’en tirer les implications pratiques en termes de
comportement, à savoir la nécessité d’une modération drastique de notre
consommation matérielle et énergétique, non pour éviter la catastrophe – elle est
déjà en cours – mais pour en limiter les conséquences futures.
Nous savons mais nous n’y croyons pas… suffisamment pour
accepter de changer notre point de vue sur le monde, nos formes de vie et nos
habitudes. L’aveuglement volontaire se dédouble et se renforce d’une paresse de
la volonté. Ainsi nous préférons croire au capitalisme « éco-responsable »,
aux voitures « propres », aux éoliennes, au recyclage, aux produits
bio… pour ne rien changer.
Mais c’est au niveau politique que l’aveuglement
volontaire atteint son paroxysme : notre système s’avère intrinsèquement
incapable de penser et d’agir vis-à-vis des catastrophes à venir car les coûts de
l’action préventive sont énormes alors que les gains politiques sont nuls. En
effet, étant donné que ce qu’on a évité n’a aucune visibilité, empêcher un
évènement d’advenir est totalement contre-productif en matière électorale. Pire :
appeler à la modération de la consommation, agir pour la diminution du « vouloir
d’achat », remettre en question la sacro-sainte croissance réductrice de
chômage… au prix de la destruction du monde, sont suicidaires en matière
électorale.
Je ne suis pas aussi pessimiste que toi dans les possibles de la politique. C'est pourquoi j'ai toujours milité et que j'adhère à Nouvelle Donne qui semble proposer une autre voie (Edgar Morin)...
RépondreSupprimer