Être esclave, c’est être réduit au rang d’objet, dans
un rapport de domination, rapport par lequel l’esclave déleste le maître de la charge des besognes nécessaires, afin que celui-ci puisse consacrer
l’essentiel de son temps aux activités libres, plus nobles (version féodale), plus
hautes (version antique) ou plus distrayantes (version moderne).
Ma thèse est que, contrairement à ce qu’il nous plait
de croire, nous ne sommes jamais sortis de l’esclavagisme ! Celui-ci a
juste changé de forme : le passage des esclaves animaux
aux esclaves humains puis aux esclaves machines a masqué la permanence du principe
esclavage, insupportable aux yeux de la société occidentale qui se sent
moralement si supérieure aux sociétés « barbares » du passé, ouvertement
esclavagistes.
Et pourtant
jamais dans l’histoire humaine, une société n’a tant dépendu de l’esclavage, ni
autant cumulé ses 3 formes. Alors que le recours aux esclaves était autrefois réservé
à une mince couche de la société, la classe aristocratique, il s’étend aujourd’hui
à la classe moyenne mondiale dont chaque représentant dépend pour vivre de
plusieurs dizaines d’« équivalents esclaves ». Ainsi par la magie de
la rationalité instrumentale, l’individu occidental moyen peut calculer son empreinte
écologique, appellation politiquement correcte de sa dépendance vis-à-vis de l’esclavage
animal et machinal, mais il peut aussi calculer son « empreinte
esclavagiste » (lien ci-joint) autrement dit la dépendance de son mode de
vie vis-à-vis d’esclaves humains, sous-prolétaires « délocalisés »
hors de sa vue, en Asie notamment, employés pour des salaires de misère aux
tâches productives pénibles, ingrates, répétitives, abêtissantes,
déshumanisantes.
Le grand rêve de la modernité occidentale était le
remplacement des esclaves humains par les esclaves machines, mais pas la suppression
du principe esclavage en lui-même. Ainsi, la permanence de ce principe
quasi-universel, combiné à l’épuisement des ressources en matière et en énergie
fossile qui sape drastiquement les possibilités de recours à grande échelle aux
esclaves machines, rendent tout à fait imaginable la recrudescence à très grande
échelle de l’esclavage humain.