vendredi 14 mars 2014

Sommes-nous bien représentés ?

Représenter une chose, c'est mettre autre chose à sa place. L'approche des élections est l'occasion de s’interroger sur la notion de représentation, qui nous semble indissociable de celle de démocratie, or ce lien ne va pas de soi. Ainsi, l'aristocratie élective a longtemps été considérée comme la meilleure forme de gouvernement, et la démocratie comme la pire, étant donné que le peuple, c'est la plèbe, une masse indistincte, entièrement soumise à ses passions. L'assimilation de l'aristocratie élective à la démocratie s'est faite tardivement, par l'adoption du suffrage universel, au prix d’un paradoxe impensé : le peuple, soumis à ses passions, est inapte à gouverner, c'est-à-dire à délibérer et à décider par lui-même, pourtant il est capable de faire preuve de jugement pour choisir de bons représentants. Le corps des citoyens est donc un monstre hybride, à la fois irrationnel et doué de raison.
Pour penser ce qu'il est courant de nommer "crise de la représentation", il faut donc 1) revenir à son fondement réel : l'aristocratie élective, régime où le peuple est doté d’une seule capacité politique, celle de reconnaître les plus aptes à exercer le pouvoir, 2) examiner le mode de sélection de la dite "élite politique", formule particulièrement problématique puisqu’on ne sait pas si c’est l’élection qui, conformément à l’étymologie, fait l’élite, ou bien si l’élite préexiste à sa propre élection. Si l’on admet l’existence d’une telle élite indépendamment de l’élection, il convient bien sûr de s’interroger sur son domaine d’excellence. Or force est de constater que celui-ci ne relève ni de la compétence, ni de la vertu, mais de la capacité à séduire un auditoire : celui des militants d'un parti tout d'abord, celui des électeurs ensuite. Les premiers sélectionnant naturellement le candidat qui aurait le plus de chances de séduire les seconds, qui eux-mêmes sont contraints dans leur choix par la sélection des premiers. Il y a donc un jeu d'images et de miroirs, qui n'est qu'affaire de communication, et aucunement de compétence ou de vertu.
Nommer démocratie ce qui n'est en fait qu'une oligarchie légitimée par la mise en scène de l'élection est en fait une usurpation d'identité qui n'a qu'un but objectif : endormir la pensée critique. Il me semble qu'il est urgent de retrouver le sens de la démocratie, avant que la déliquescence du régime actuel ne débouche sur un régime ouvertement autoritaire : une oligarchie financière, une dictature nationaliste ou écologique.    

"Ce qui est fait pour nous, que d'autres ont décidé sans nous, est en réalité contre nous. Soyons des êtres actifs. " disait Nelson Mandela.