vendredi 31 janvier 2014

Femme ou homme : nature, stéréotype ou norme ?

Dernière crise de panique morale : après le "Mariage pour tous", il y aurait une nouvelle tentative visant à déstabiliser l'"un des piliers de la civilisation", la différence homme/femme. Plus précisément, il s'agirait d'inculquer dès le plus jeune âge une "théorie du genre" résumée par la formule de Simone de Beauvoir :"On ne naît pas femme, on le devient", qui vise à dissocier le sexe - mâle /femelle - et le genre - masculin/féminin. Catastrophe ! Le fantasme paranoïaque à l'origine de cette panique, s'ancre dans le postulat suivant : le politique a le pouvoir de modifier, voire d'abolir les stéréotypes et les normes, qui constituent notre héritage commun multiséculaire. Qu'il s'agisse du mariage, de l'identité de genre ou de la fin de vie, peut-on disposer librement des stéréotypes et des normes ?
Pour y voir clair, il convient de distinguer les différences biologiques (b) inscrites dans le génome, les stéréotypes (s) enkystés dans la langue, les normes (n) instituées dans la culture, et les lois (l) adoptées par le législateur. Dans chaque société, le rapport complexe entre b, s, n et l, se traduit par un équilibre entre deux pôles diamétralement opposés : l'indistinction totale et la disjonction radicale, deux abîmes mortifères... car une société vivante implique un jeu entre b, s, n et l. Si les stéréotypes et les normes ne sont pas disponibles à la libre volonté de chacun, faut-il pour autant les subir comme un destin, ou jouer avec comme des occasions d'exercer notre liberté ?
Mais, poser la question en ces termes, c'est déjà y répondre, non ?

samedi 11 janvier 2014

Tout peut-il se dire ?

La mise en scène médiatique de l'indignation bien pensante révèle une fois encore la collusion d'intérêt entre ceux qui font commerce de l'outrance verbale, et ceux qui en profitent pour accroître leur pouvoir. Ainsi, le partage entre ce qui peut se dire et ce qui ne peut pas se dire, a toujours été la prérogative des princes et des censeurs zélés qui les servent. Par ailleurs, les motifs actuels de la limitation de l'expression publique de l'opinion, pourraient tout à fait convenir à n'importe quel régime politique, même le plus autoritaire, tant leur contenu est indéterminé : le trouble à l'ordre public et l'atteinte à la dignité de la personne humaine. Enfin, dans une société où le niveau d'éducation moyen est aussi élevé, vouloir à tout prix protéger l'esprit des citoyens de certaines opinions jugées indignes, n'est-ce pas les prendre pour des zombies décérébrés, incapables de juger par eux-mêmes?
Tout peut-il se dire ? Toute opinion, aussi aberrante soit-elle, peut-elle s'exprimer dans l'espace public? 
La réponse affirmative est la marque des esprits forts, qui n'ont pas peur des idées générales, et qui savent que les entités abstraites - les religions, les cultures, les supposées races, les nations... - ne sont qu'abusivement assimilées à des personnes auxquelles on pourrait "nuire" par tel ou tel propos. Ainsi le seul cas où l'expression publique individuelle est condamnable, est la nuisance objective à autrui : la diffamation, l'atteinte à la vie privée, l'appel au meurtre,... 
L'indignation contre les pitres professionnels qui, comme Dieudonné, viennent régulièrement défrayer la chronique, ne sert en fait qu'à consolider le pouvoir exorbitant du système médiatico-publicitaire en matière de formatage des esprits.  
Aucune idée n'est a priori irrecevable, même la plus aberrante, même la plus odieuse... Rien n'est sacré, tout peut se dire.