jeudi 25 avril 2013

L'info est-elle un poison ?




Je pourrais faire mienne la maxime de Hegel : « La lecture du journal, le matin au lever, est une sorte de prière réaliste. ». Mais il n’y a aucune commune mesure entre la gazette artisanale du XIXème siècle, et l’industrie de l’info en continu qui produit des effets particulièrement nocifs (cf. le lien ci-dessus) :
-       Effet de sidération : le rythme rapide, la succession sans transition, ne laissent pas de temps à la pensée réflexive ;
-       Effet de démobilisation: l’actualité c’est comme la météo, ça arrive, ça ne dépend pas de nous ;
-       Effet anesthésiant : le spectacle récurrent de la misère et de la violence, nous insensibilise, et nous donne un sentiment relatif de confort ;
-       Effet toxique : le plaisir glauque d’être spectateur du malheur d’autrui…
Or si l’on considère que l’information est une condition nécessaire de la citoyenneté en régime démocratique, elle relève de ce que les grecs appelait pharmakon, poison et remède à la fois.
Ainsi il convient de bien distinguer l’info et l’information : l’info, c’est le formatage des esprits par les industries du « temps de cerveau disponible », l’information, c’est l’acte de s’informer soi-même, qui requiert du temps et un effort de la pensée réflexive et critique.

jeudi 11 avril 2013

Faut-il "moraliser" la politique ?



Nouvelle crise de panique morale : « Ô stupeur ! Les élus de la République ne sont pas les parangons de vertu qu’ils devraient être. Vite, hâtons-nous de « moraliser » la politique, et tout rentrera dans l’ordre. » Que faut-il en penser ?
Je pense, quant à moi, qu’il faut préserver la distinction entre la morale à la politique. La morale est le domaine du bien et du mal, alors que la politique est celui de la volonté et du courage. De plus, il y a une opposition entre les deux domaines : la morale est univoque et inconditionnelle, quand la politique est nécessairement plurivoque et conditionnelle, car faite de délibération entre différentes conception du bien. Mais je vais plus loin : en politique le recours à la morale est un danger, en deux sens :
-       d’une part un pouvoir qui s’interdit le mensonge, la duplicité et le parjure, est comme un agneau au milieu d’une meute de loups,
-       d’autre part un pouvoir qui se donne comme projet politique le Bien, la Justice, la Vérité, sera légitimé à user de toutes les violences au nom de cet idéal.
Ainsi, comme Machiavel l’a magistralement exposé il y a plus de 500 ans, le bon usage du pouvoir politique implique une mise entre parenthèse de la morale : « Il est parfois dangereux [pour le Prince] de faire usage [des qualités morales], quoiqu’il soit utile de paraître les posséder. »
Enfin, on veut à tout prix nous faire oublier cette vérité anthropologique : le pouvoir corrompt les hommes, dans son exercice (c’est la leçon de Machiavel), comme dans sa conquête : qui peut imaginer un instant que l’on puisse atteindre les plus hautes places de pouvoir sans jamais user du mensonge, de la calomnie ou de la trahison ?
La « moralisation de la vie politique », plébiscitée par les citoyens, est donc, selon moi, un écran de fumée pour éviter d’envisager une régénération de notre démocratie rabougrie. A contrario de tous les appels lénifiants à « restaurer la confiance », une démocratie forte devrait promouvoir une saine défiance vis-à-vis du pouvoir, ce qui implique une déprofessionnalisation de la politique, des contre-pouvoirs multiples et indépendants, et surtout l’implication active des citoyens dans la vie politique. Et ça, personne n’en veut.