mercredi 27 février 2013

L'économie nous a-t-elle rendus schizophrènes ?



Le PDG de Titan, c’est le M. Sylvestre de la World Company, un bouffon cynique qui ne s’encombre pas de circonvolutions langagières pour appeler un chat un chat : les « fromages qui puent » - les Français – veulent à la fois être bien payés, en foutre le moins possible, et s’empiffrer comme les autres au banquet mondial du pillage général des ressources matérielles et humaines. La fierté nationale s’indigne face à une caricature aussi grossière : Comment osez-vous, le Yankee, critiquer les travailleurs français,  si « compétitifs », «  productifs », « innovants », etc… ?
Et s’il y avait, derrière la provocation haineuse, un fond de vérité ? Mais si l’homo gallicus voulait le beurre, l’argent du beurre et la crémière en prime, ne serait-il pas alors l’achèvement suprême de l’homo œconomicus, calculateur rationnel certes, mais écartelé entre les intérêts contradictoires de ses multiples personnalités - producteur, épargnant, consommateur, contribuable et usager :
-       Je veux être payé le plus possible, en travaillant le moins possible ;
-       Je veux que mon assurance-vie, mon plan retraite ou mon petit portefeuille d’actions, me rapportent le plus possible ;
-       Je veux consommer le plus possible, aux prix les plus bas possibles ;
-       Je veux payer le moins possible d’impôts tout en bénéficiant des meilleurs services publics.
Cette brochette de désirs, irrépressibles mais mutuellement incompatibles, fait-elle de nous, les individus adaptés, des schizophrènes économiques ?

jeudi 14 février 2013

Comment peut-on décider pour autrui ?


Décider pour soi, c’est l’acte libre ; décider pour tous, c’est l’acte politique ; mais décider pour autrui, n’est-ce pas l’acte éthique par excellence ? Au nom de quelle autorité, de quelle(s) valeur(s) peut-on décider de ce qui est bon pour un(e) autre ?
Le mariage, la prostitution, la drogue, le voile, les mères porteuses… autant de cas où le législateur, appuyé par l’opinion publique, se met en position de décider pour d’autres de ce qui est bon pour eux. Il est vrai que la démocratie républicaine à la française se fonde sur une vision de la société unifiée, homogène, structurée par des institutions stables et inamovibles (la famille, l’école, la laïcité,…) et une culture commune, ainsi la visée d’une normalisation des conduites s’en trouve pleinement justifiée. Bref, de même que les parents décident pour leurs enfants ou les proches pour un grand malade, les normaux décident pour les anormaux, dont l’anormalité, toujours quelque peu monstrueuse, menace l’ordre de la société.
Cela nous semble tellement naturel que nous ne voyons même plus le problème éthique que cela pose : décider pour un autre qui n’est ni mineur ni malade, c’est nier de fait son autonomie, disqualifier sa conception de la vie bonne, dévaluer sa capacité à mesurer les conséquences de ses actes. Nous nous gargarisons de liberté et de démocratie, pourtant nous trouvons parfaitement normal que, dans les entreprises, les investisseurs en capital décident unilatéralement pour les investisseurs en travail, que les hétéros décident pour les homos, que les chrétiens et les athées réconciliés décident pour les musulmans, que les normaux bien-pensants décident pour les anormaux, les putes et les marginaux.
Deux principes minimaux pour vivre ensemble dans une société désormais plurielle, composée d’individus aux identités multiples et changeantes :
1)    Agir de façon à éviter de nuire objectivement à autrui.
2)    S’abstenir de décider pour un autre sans délégation exprès de sa part.