Quand le doigt
de D. montre la Russie, les moralistes indignés voient dans ce geste le symbole
des vices du moment : le scandale de l’exil fiscal ou l’indécence des
salaires mirobolants. Essayons plutôt d’entrevoir la lune que nous montre D.
« le sage » : dans notre monde connecté la mobilité est une
valeur en soi, dis-moi comment tu bouges, je te dirai à quelle catégorie socio-mobile
tu appartiens :
-
Les
« hyper-mobiles », classe bizarre où se retrouvent à la fois les
hyper-riches, ceux qui doivent leur position dominante à leur
« hyper-mobilité » physique et financière, et les hyper-pauvres qui
n’ayant plus rien à perdre, doivent absolument tout quitter. Les uns comme les
autres jouent aux marges de la société, déchirent leur passeport d’origine, et
comptent sur la bienveillance - fiscale ou sociale - de la société qui les
accueille, pour sur-accumuler ou pour sur-vivre.
-
Les
« mobiles-flexibles » qui constituent la classe adaptée au monde
connecté, qui remplissent les charters pour polluer les plages du monde entier,
mais qui doivent revenir chez eux avaler les couleuvres du néo-management libéral
pour rester « employable », et se payer leur prochain voyage.
-
Les
« hypo-mobiles », assignés à résidence dans les cités périphériques,
les régions en déclin économique, les
zones rurales, où ils ont tout investi, et donc tout perdu.
Où est le
problème ? 1) L’immobilité des uns est nécessaire à la mobilité des
autres. Or 2) l’immobilité est source de misère. Voici selon moi la « lune »
que nous montre le « sage » D. :
1)
D.
vit du cinéma largement subventionné par les impôts des immobiles français qui en
outre remplissent les salles de quartier faisant le succès commercial de ses
films. Par ailleurs quand l’hyper-mobile D. sillonne le monde, il compte sur la
stabilité des autochtones : il faudra bien des « vrais gens » du
cru à Moscou, à Néchin ou ailleurs pour que D. puisse juste y vivre. Bref, pour
que les « grands » ne tiennent pas en place, il faut que les petits fassent
du surplace.
2)
Enracinement
local, stabilité, attachement à un lieu, sont autant de noms de la précarité.
Car la flexibilité est la condition de l’employabilité : il faut changer,
bouger, avancer, s’adapter, ou accepter sans s’étonner d’être licencié,
dépassé, obsolète. Alors que le monde des grands est un espace ouvert d’opportunités
à saisir, en termes d’investissement, de régime fiscal, et dorénavant de
nationalité, le monde des petits se rétrécit comme peau de chagrin.
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