mercredi 30 janvier 2013

Faut-il refaire le monde ou l'empêcher de se défaire? ?


Et si la poussée de panique morale à la perspective du mariage « pour tous » devait être interprétée comme un symptôme ? Celui d’une peur beaucoup plus profonde face à une évidence que nous refusons d’envisager : notre monde est en train de basculer par l’effet conjugué de deux méga-forces :
-       Les grandes puissances du sud mettent fin à trois siècles de domination sans partage de l’Occident. Autrement dit nous ne sommes plus les « Maîtres de Monde ».
-       Nous sommes à présent au pied du mur écologique : la limite des réserves connues d’énergie fossile et de minerais exploitables… à bas coût. Autrement dit, notre mode de vie s’universalise au moment-même où il n’est plus soutenable.
En physique, un tel basculement s’appelle transition de phase, en politique, il s’appelle révolution. Mais cette « crise » étant totalement inédite, nos catégories sont-elles pertinentes pour penser l’impensable ?
Gauche vs droite, conservateurs vs progressiste, tous ces repères sont brouillés car dans le grand basculement, il ne s’agit plus de refaire le monde mais de l’empêcher de se défaire… complètement.
On ne peut plus être conservateur, de droite, gardien de l’ordre, nostalgique de notre grandeur passée : nous sommes collectivement en état quasi-végétatif, maintenus en état de survie artificielle, sous perf des milliards de crédits qui endettent nos enfants et les enfants de nos enfants.
On ne peut pas non plus être de gauche, bien-pensant, défenseur de la justice sociale, car à l’échelle du « monde mondial », les français font partie de la classe moyenne planétaire supérieure, qui exploite les damnés de la terre en Asie et en Afrique pour maintenir son niveau de vie et de consommation.
Un nouveau concept politique est à inventer qui aurait pour principe un enthousiasme de la modération, un concept hybride : conservateur subversif.

jeudi 17 janvier 2013

Mariage et filiation, qu'est-ce qui est naturel ?



Il n’y a pas de débat à propos du mariage pour tous, mais l’affrontement de deux points de vue inconciliables et irréconciliables, dont les argumentaires s’appuient paradoxalement sur le même axiome : en matière de mœurs, la nature doit guider le droit.
-       D’un côté, il y aurait une évolution « naturelle » des mœurs à laquelle il faut s’adapter qu’on le veuille ou non ;
-       De l’autre côté, il y aurait des normes « naturelles » qui s’imposent à nous, qu’on le veuille ou non.
Deux naturalismes se font face : l’un évolutionniste, l’autre fixiste. Que faut-il en penser ?
Je fais partie de ceux qui pensent que poser le débat dans ces termes est stérile et surtout fallacieux, car un acquis essentiel des sciences humaines depuis un siècle a justement consisté à montrer qu’en ce qui concerne les sociétés humaines, il n’existe pas de normes « naturelles » (cf le lien avec l’anthropologue Françoise Héritier). Autrement dit, les formes possibles de la conjugalité et de la parentalité sont extrêmement diverses.
Peut-on introduire un peu de complexité quand le débat tourne à l’hystérie collective ? Peut-on refuser l’alternative binaire entre deux conceptions de la filiation ? L’une, ultra-libérale, affirme que rien ne doit limiter le droit à l’enfant pour tous -, l’autre, bouchère, se réclame à la fois de la bible et du bon sens : il faudra toujours un taureau et une vache pour faire un veau.

dimanche 6 janvier 2013

De quoi Depardieu est-il le nom ?


Quand le doigt de D. montre la Russie, les moralistes indignés voient dans ce geste le symbole des vices du moment : le scandale de l’exil fiscal ou l’indécence des salaires mirobolants. Essayons plutôt d’entrevoir la lune que nous montre D. « le sage » : dans notre monde connecté la mobilité est une valeur en soi, dis-moi comment tu bouges, je te dirai à quelle catégorie socio-mobile tu appartiens :
-       Les « hyper-mobiles », classe bizarre où se retrouvent à la fois les hyper-riches, ceux qui doivent leur position dominante à leur « hyper-mobilité » physique et financière, et les hyper-pauvres qui n’ayant plus rien à perdre, doivent absolument tout quitter. Les uns comme les autres jouent aux marges de la société, déchirent leur passeport d’origine, et comptent sur la bienveillance - fiscale ou sociale - de la société qui les accueille, pour sur-accumuler ou pour sur-vivre.
-       Les « mobiles-flexibles » qui constituent la classe adaptée au monde connecté, qui remplissent les charters pour polluer les plages du monde entier, mais qui doivent revenir chez eux avaler les couleuvres du néo-management libéral pour rester « employable », et se payer leur prochain voyage.
-       Les « hypo-mobiles », assignés à résidence dans les cités périphériques, les régions en  déclin économique, les zones rurales, où ils ont tout investi, et donc tout perdu.

Où est le problème ? 1) L’immobilité des uns est nécessaire à la mobilité des autres. Or 2) l’immobilité est source de misère. Voici selon moi la « lune » que nous montre le « sage » D. :
1)    D. vit du cinéma largement subventionné par les impôts des immobiles français qui en outre remplissent les salles de quartier faisant le succès commercial de ses films. Par ailleurs quand l’hyper-mobile D. sillonne le monde, il compte sur la stabilité des autochtones : il faudra bien des « vrais gens » du cru à Moscou, à Néchin ou ailleurs pour que D. puisse juste y vivre. Bref, pour que les « grands » ne tiennent pas en place, il faut que les petits fassent du surplace.
2)    Enracinement local, stabilité, attachement à un lieu, sont autant de noms de la précarité. Car la flexibilité est la condition de l’employabilité : il faut changer, bouger, avancer, s’adapter, ou accepter sans s’étonner d’être licencié, dépassé, obsolète. Alors que le monde des grands est un espace ouvert d’opportunités à saisir, en termes d’investissement, de régime fiscal, et dorénavant de nationalité, le monde des petits se rétrécit comme peau de chagrin.