Face à l’effondrement
supposé des valeurs morales parmi les jeunes, il est question de faire revenir
la morale à l’école. Mais que faut-il penser de ce projet un peu pompeux ?
Voici quelques remarques sur le fond et la forme.
Quant au fond,
il faudrait au préalable s’entendre sur la notion très équivoque de « morale ».
S’agit-il d’une liste de règles universelles à apprendre par cœur ? S’agit-il
d’inculquer les valeurs républicaines « liberté, égalité, fraternité » ?
S’agit-il de la justice dans nos rapports à autrui, ou de la question générale du
bien et du mal ? Cela reste évidemment à élucider car on risque fort d’introduire
la confusion dans les esprits, et de porter atteinte au respect du pluralisme
moral, les différentes conceptions de la « vie bonne » qui doivent
coexister dans une démocratie laïque et pluraliste.
Quant à la
forme – un programme scolaire d’enseignement moral –, il laisse songeur. En
effet, si l’on songe à la question du juste, l’un des piliers de toute morale, comment
oublier que notre école est profondément injuste au sens où elle échoue notoirement
à l’une de ses missions essentielles : corriger les inégalités sociales
entre les enfants. Cette injustice qui est patente décrédibilise immédiatement
tout enseignement scolaire de la morale. Par ailleurs, il semble établi aujourd’hui
que la connaissance de certains principes et la pratique régulière du
raisonnement moral ne nous rendent pas meilleurs. Autrement dit, le
comportement moral ne dépend pas de l’intellect mais plutôt d’une sensibilité
particulière, le sens moral, ce qu’Orwell appelait la « common decency »
- la décence ordinaire.
La question cruciale
consiste donc selon moi à savoir comment développer cette décence ordinaire. Il
me semble évident qu’elle ne relève pas d’un enseignement mais d’un
entraînement. Et là l’école a sans doute un rôle à jouer car les situations
quotidiennes en classe ou dans la cour offrent énormément d’occasions d’exercer
la sensibilité morale, les enfants savent spontanément distinguer ce qui se
fait et ce qui ne se fait pas. Ainsi les enseignants devraient commencer par apprendre
que rabaisser un élève en difficulté, stigmatiser l’erreur et l’ignorance, ça
ne se fait pas !
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