jeudi 25 octobre 2012

Faut-il régénérer la démocratie ?


Les islandais nous rappellent que la démocratie n’est pas une forme de gouvernement figée une fois pour toutes. Ils nous rappellent aussi qu’à l’origine, il n’y avait pas d’équivalence entre la démocratie et le gouvernement représentatif conçu comme une forme de l’aristocratie ou de l’oligarchie. Ils nous montrent aussi qu’il est possible de régénérer la démocratie, c’est-à-dire la re-vitaliser et la re-constituer.
1)    Je fais partie de ceux et celles qui pensent qu’il faut re-vitaliser la démocratie, car au moment où l’avenir paraît particulièrement sombre, les partis de pouvoir, l’œil rivé sur les prochaines échéances électorales, s’avèrent incapables de gérer le moyen et le long terme, alors que les décisions cruciales se prennent de plus en plus loin des citoyens, dans des conditions opaques où les lobbies d’argent jouent à plein. De ce point de vue, la démocratie n’est plus qu’une forme moribonde vidée de sens, animée par des politiques intermittents du spectacle, sans pouvoir réel sur le cours des choses.
2)    Je fais partie de ceux qui pensent qu’il faut re-constituer la démocratie, autrement dit remettre en chantier la Constitution : les lois qui sont au-dessus des lois, et au-dessus des politiques, les empêchant de devenir une caste séparée du corps politique, une corporation parmi d’autres, ayant ses intérêts propres, donc structurellement en situation de conflit d’intérêt. Or il semble évident que les politiques ne peuvent pas eux-mêmes établir ces lois qu’ils doivent redouter dans l’exercice de leur mandat.
Les 6 propositions des 25 citoyens islandais ordinaires, élus en 2011 en assemblée constituante – réduite depuis à n’être que consultative -, ont été soumises à un référendum le 21 octobre dernier, et acceptées par une écrasante majorité des suffrages exprimés. Quel sens donner à l’écho quasiment nul de cet évènement dans les grands médias français ? Les démocrates radicaux entendent ce silence assourdissant comme un signe – de plus – que la coalition des pouvoirs politiques, économiques et médiatiques n’a aucun intérêt à ce que les citoyens se mêlent de leurs affaires, et s’intéressent de trop près à la politique, bref que la démocratie se régénère comme pouvoir du peuple, par le peuple pour le peuple.

jeudi 11 octobre 2012

Faut-il enseigner la morale à l'école ?




Face à l’effondrement supposé des valeurs morales parmi les jeunes, il est question de faire revenir la morale à l’école. Mais que faut-il penser de ce projet un peu pompeux ? Voici quelques remarques sur le fond et la forme.
Quant au fond, il faudrait au préalable s’entendre sur la notion très équivoque de « morale ». S’agit-il d’une liste de règles universelles à apprendre par cœur ? S’agit-il d’inculquer les valeurs républicaines « liberté, égalité, fraternité » ? S’agit-il de la justice dans nos rapports à autrui, ou de la question générale du bien et du mal ? Cela reste évidemment à élucider car on risque fort d’introduire la confusion dans les esprits, et de porter atteinte au respect du pluralisme moral, les différentes conceptions de la « vie bonne » qui doivent coexister dans une démocratie laïque et pluraliste.
Quant à la forme – un programme scolaire d’enseignement moral –, il laisse songeur. En effet, si l’on songe à la question du juste, l’un des piliers de toute morale, comment oublier que notre école est profondément injuste au sens où elle échoue notoirement à l’une de ses missions essentielles : corriger les inégalités sociales entre les enfants. Cette injustice qui est patente décrédibilise immédiatement tout enseignement scolaire de la morale. Par ailleurs, il semble établi aujourd’hui que la connaissance de certains principes et la pratique régulière du raisonnement moral ne nous rendent pas meilleurs. Autrement dit, le comportement moral ne dépend pas de l’intellect mais plutôt d’une sensibilité particulière, le sens moral, ce qu’Orwell appelait la « common decency » - la décence ordinaire.
La question cruciale consiste donc selon moi à savoir comment développer cette décence ordinaire. Il me semble évident qu’elle ne relève pas d’un enseignement mais d’un entraînement. Et là l’école a sans doute un rôle à jouer car les situations quotidiennes en classe ou dans la cour offrent énormément d’occasions d’exercer la sensibilité morale, les enfants savent spontanément distinguer ce qui se fait et ce qui ne se fait pas. Ainsi les enseignants devraient commencer par apprendre que rabaisser un élève en difficulté, stigmatiser l’erreur et l’ignorance, ça ne se fait pas !