mercredi 16 mai 2012

La prostitution est-elle un métier ?


Les opposant(e)s au projet de loi visant à pénaliser les clients de prostitué(e)s soulignent l’incohérence d’admettre la libre vente de « services » que personne n’aurait le droit d’acheter. A cette occasion, comme dans un conflit social « normal », certaines personnes se sont exprimées au nom des « travailleurs / euses du sexe ». Mais justement, la prostitution peut-elle vraiment être considérée comme un « métier » ?
Les plus libéraux diront que la prostitution fait simplement partie des professions qui engagent le corps, comme la manutention ou le massage. Les moralistes répondront que c’est l’intimité profonde – sacrée ? - du corps qui est ici engagée. Mais la neutralité morale d’un Etat laïc se doit de tolèrer une conception purement instrumentale de sa sexualité. A ceux et celles qui dénoncent une marchandisation du corps, la doxa néo-libérale répond que, dans la mesure où l’intégrité corporelle est conservée, les individus sont des auto-entrepreneurs qui ont le droit de valoriser leur capital, que celui-ci soit  financier, intellectuel ou physique… D’ailleurs,  la « prostitution » n’est-elle pas la condition moderne du travailleur qui vend son intelligence, sa créativité ou son corps au plus offrant ?
Nonobstant ces considérations abstraites, faire de la prostitution un métier comme un autre, c’est cautionner la violence et l’exploitation que subissent sans doute l’immense majorité de ces forçats du sexe, mais l’interdire c’est enfermer les prostitué(e)s dans une condition de clandestinité qui aggrave leur vulnérabilité. D’autre part la prostitution est conforme au principe de la libre disposition de son corps dans la limite de son inaliénabilité – il n’y a pas en l’occurrence cession d’une partie de son corps comme dans la vente d’organe.
Il faut donc en conclure que la prostitution n’est en aucun cas un métier, mais une activité qu’il ne faut ni interdire, ni officialiser, mais qu’il faut décourager par tous les moyens, en luttant policièrement contre les mafias et, culturellement, contre ce qui pousse au commerce des corps : la réduction de la sexualité à un instinct éjaculatoire.



jeudi 3 mai 2012

Que faut-il faire des riches?


Dis-moi comment tu veux qu'on traite les riches, je te dirai pour qui tu votes. La kermesse électorale a au moins l'avantage de rappeler ce constat de base : les deux catégories extrêmes de la population, les pauvres et les riches constituent un problème pour la république. Que faut-il faire des riches ? Cette question se rapporte à deux autres :
1)    Qui est riche ?
2)    Quel(s) problème(s) posent les riches ?
1) Statistiquement, on parle de « hauts revenus » au-delà de 3000 € par mois et par personne. Les 1 % les plus riches touchent plus de 7000 € par mois et par personne mais les 0,01 % les plus riches, plus de 60 000 € par mois et par personne. Il y a des « working rich » - grands patrons, traders, footballeurs -, et il y a des rentiers. La richesse est donc une catégorie à bord flou, où l'on mélange tout et n'importe quoi.
2) Y a-t-il un péril « riche » - comme il y aurait un péril « islam » ou un péril « jeunes » ? Dans une société orientée vers la croissance de la production de richesses, l'augmentation du nombre de riches ne devrait-elle pas être considérée comme une bonne nouvelle ? La posture « anti riche » n’est-elle qu'un symptôme du malaise social, du ressentiment des « pauvres », ou de la bien-pensance de gauche ?
J'affirme que le problème est ailleurs : les riches incarnent la passion de l'argent qui détruit la planète, un modèle de la vie bonne qui humilie et pollue les esprits, la réduction de toutes les valeurs à une seule : le prix. Ils sont donc les vecteurs d'une grave violence symbolique. Or dans une république, l'État a seul le monopole de la violence légitime. Il doit peut-être limiter la richesse, sans doute être intransigeant avec les lobbies de l’argent, mais surtout soutenir et promouvoir les activités authentiquement « humanisantes » : l’art, la science, la culture, la politique.