jeudi 29 mars 2012

Peut-on fonder une politique sur la générosité?


L’explosion haineuse de Toulouse cache opportunément un mal plus profond, une catastrophe climatique morale : la négativité, le ressentiment et le pessimisme au cœur de toute l’offre politique. Il faut s’unir, certes, mais encore et toujours contre un ennemi qui s’appelle, selon les discours, « les marchés », « les banques », « les riches », « l’Europe », « la mondialisation », « les multinationales », « l’immigration », « l’islamisme », « les assistés »,… Le face à face entre la droite et la gauche se résume au fond à un glissement sur un axe à deux pôles : à droite la cupidité, l’accumulation effrénée, à gauche l’imposition, la con-fisc-ation sans limite. Soit : la prédation privée contre la préemption publique, sur fond de gaspillage généralisé.
Comment sortir de cette dialectique morbide qui lie en fait la cupidité à la confiscation – il faut plus de riches pour qu’ils paient plus d’impôts. La domination du capital ou la soumission à l’Etat ? Qui oserait proposer un changement de paradigme : la générosité comme valeur républicaine suprême ?
La générosité englobe les trois valeurs républicaines : la liberté - car donner est un acte essentiellement libre - ; l’égalité – car chaque individu a quelque chose à donner, et la valeur du don est inversement proportionnel à la richesse du donneur - ; la fraternité – car le lien entre ceux qui donnent et ceux qui reçoivent est autrement plus fort qu’entre ceux qu’on impose et ceux qui touchent des allocs.
Dans une société riche où les besoins primaires sont garantis, il faudrait penser une économie du don et de la gratuité comme alternative à l’économie de la prédation, une contribution sociale sous forme de don comme alternative à la préemption étatique, une éducation du don comme alternative à la compétition généralisée de tous contre tous. Une vie accomplie n’est-elle pas une vie où l’on a donné tout ce qu’on pouvait donner ?
Première réforme dans ce sens : déterminer un part substantielle de l’impôt sous forme de don volontaire à une institution ou une association de son choix. La générosité publique plutôt que la con-fisc-ation étatique.
Combien de générations faudrait-il pour une telle révolution anthropologique ?
A vous lire,
Claude

jeudi 15 mars 2012

Faut-il (re)fermer nos frontières?


Temps de crise ! Le thème de la frontière est de retour, alors que la postmodernité mondialisée semblait l’avoir jeté aux oubliettes de l’histoire. Tout se joue donc entre nous et eux (les autres, les non-nous) : nos riches veulent sortir, leurs pauvres veulent entrer, nos entreprises veulent délocaliser, les leurs veulent nous vendre leurs produits. Trois questions : 1) Faut-il une frontière ? 2) Comment la concevoir ? 3) Faut-il l’ouvrir ou la fermer ? Ces questions méritent évidemment de longs développements, il ne s’agit que de penser quelques principes.
1)  Principe d’existence : exister en tant que forme, c’est être limité. Le bord, la surface, la membrane, la peau, la frontière délimitent un intérieur d’un extérieur, une entité, une forme, vis-à-vis de ce qui n’est pas elle. L’entité « France » n’a tout simplement aucun sens sans frontières.
2)  Principe de forme : la frontière elle-même a une forme. On peut la concevoir comme un robinet ou une porte – ouverte ou fermée – ou comme une peau, une membrane poreuse qui filtre ce qui entre et ce qui sort pour permettre au milieu intérieur de développer sa norme propre. Je pense que la deuxième image est plus pertinente. La frontière-peau enveloppe quel corps ? Le corps politique dont deux conceptions s’opposent frontalement : corps national ou corps social ? L’un réfère à une identité nationale déterminée, qui sépare les français des étrangers, l’autre une communauté sociale qui sépare les contributeurs / ayant droit, des non contributeurs / non ayant-droit.
3)  Principe de discrimination : le corps national exclut simplement les (corps) étrangers, le corps social distingue ceux qui ont accès à la propriété sociale – un ensemble de droits et de protections - du fait qu’ils y ont contribué.
La conception nationale de la frontière alimente la xénophobie qui, comme l’histoire le montre à l’envi, est un poison grave. La conception sociale reste à penser face aux problèmes du jour, l’exil fiscal et l’immigration. Certains veulent s’exonérer de la contribution au corps social. Il « s’excluent d’eux-mêmes » - ce qui est leur droit le plus strict - : il faut les considérer comme des étrangers. Certains vivent ici, contribuent par leur travail, apprennent la langue commune pour participer au corps politique : il faut les considérer comme français.

jeudi 1 mars 2012

A quoi sert le vote utile?

L’appel au « vote utile » nous rappelle opportunément que, d’un point de vue strictement rationnel, le vote individuel est inutile. En effet, le poids de mon suffrage rapporté au scrutin global est équivalent à celle d’une goutte d’eau dans un bain ou celle d’un grain de sable dans un tas : quasiment nul. Alors, si aller voter est pragmatiquement inutile, comment expliquer que cela soit considéré comme l’acte démocratique par excellence ? C’est, à mon avis, pour compenser la confiscation des pratiques authentiquement démocratiques : la participation à la fixation de l’ordre du jour, à la délibération et à la décision sur les sujets les plus cruciaux du point de vue de la souveraineté ou de la préservation des biens communs.
En ce sens, l’« utilité » du vote utile ressemble fort à celle de l’idiot utile pendant la guerre froide. La bonne conscience - en l’occurrence, le remord antérograde de celui ou celle à qui on ne refera pas le coup d’avril 2002 - sert la préservation d’un système de pouvoir. Bref, si le FN n’existait pas, les conseillers en communication l’inventeraient illico.
Peut-on sauver le vote utile de l’insignifiance ou de la manipulation ? Je réponds oui, à condition de donner à l’utilité son sens politique le plus noble : ce qui sert l’intérêt général. Quel serait aujourd’hui l’intérêt général bien compris ? Qu’est-ce qui dépasse ma conviction personnelle - de gauche ou de droite - érigée abusivement en norme du bien commun ? C’est la régénération de notre démocratie.
Ainsi, voter utile consiste à voter pour un(e) candidat(e) de gauche ou de droite qui s’engage clairement pour le non-cumul dans le temps et l’espace des mandats électifs, pour la promotion du référendum d’initiative populaire, pour la consultation systématique de l’ensemble des citoyens – plutôt que le peuple, autre entité mythique – avant tout transfert de souveraineté, en assumant le risque que celui-ci se prononce pour des options que je n’approuve pas.